"Mais qu'est-ce-que vous faites là, vous? Vous avez une autorisation écrite d'un professeur qui vous donnerait le droit de vous trouver ici?" Liam tournait le dos à l'assistant bibliothécaire. Dès qu'il entendit les premiers mots, il grimaça. Ce n'était pas dans ses habitudes de se faire pincer pour "si peu". Mais il semblerait qu'il y ai un début à tout. Lentement, il fit face à l'employé. Avant même de le voir, il imaginait déjà son air pincé, son regard inquisiteur, ses doigts tapotant nerveusement contre les étagères de la section interdite. Inutile d'essayer de se montrer éloquent, l'entreprise était vouée à l'échec. Le sorcier était incorruptible et semblait nourrir une rancune particulièrement tenace pour les membres de la Maison Serpentard. "Filez d'ici tout de suite. Vous aurez de mes nouvelles par l'intermédiaire de votre préfet ou de votre directeur. Ouste!" Injonction stupide mais efficace...Liam reposa le lourd ouvrage qu'il s'apprêtait à consulter avant de filer rapidement hors de la bibliothèque, la tête baisse, le regard noir et bouillant de rage. L'assistant s'approcha de l'étagère et réaligna le livre avec ses petits voisins. Des sortilèges visant à manipuler le temps, il plissa les paupières. Le visage de Liam Oliver ne lui était plus inconnu.
Il aura fallu à peine deux jours pour que l'annonce de sa retenue ne tombe. Il avait rendez-vous dans la salle des heureux propriétaires d'un travail supplémentaire même pas évalué. Un rouleau de parchemin, une plume et son manuel du cours de potion sous le bras, il se dirigea vers ce lieu de perdition. Les lèvres serrées, il poussa la porte. Parfait, il n'y avait qu'une personne, silhouette indéfinie qu'il ne prit même pas la peine de vraiment regarder. Vu la position de cette dernière, l'autre élève devait être profondément endormi, terrassé par la révolte des gobelins, sujet ô combien passionnant. En silence, Liam s'installa et rapidement, le bruit d'une plume crissant sur du parchemin envahit la pièce. Il avait deux heures à tuer. Du recopiage, voilà tout ce que l'assistant avait été capable d'exiger. Recopier stupidement, comme un singe savant, un chapitre de son manuel.
Les sourcils froncés de frustration, il leva les yeux de son rouleau pour les poser sur la nuque de son compagnon d'infortune. C'était plutôt une compagne. Et pas inconnue de surcroît. Alexis Wilson avait fait partie de la vie sentimentale de Liam pendant quelques temps. Contre toute attente, il avait apprécié et les rumeurs osaient même dire que la Serpentarde était celle qui allait attendrir ce coeur sec et déserté par l'amour et la compassion. Après de nombreuses demandes restées sans réponse, il avait cédé et présenté la demoiselle à son père. Il avait imaginé que ce dernier se serait lui aussi "amolli" et "attendri" mais c'était pure utopie. Alexis avait alors assisté à l'intolérable. Un coup de poing venu de nulle part et en rien justifiable qui avait éclaté la lèvre inférieure de son fils.
Après cela...les choses n'avaient plus été les mêmes.
Poussant un soupir, Liam reposa sa plume et se leva. A pas de loups, il s'approcha de Lexie. Elle avait le visage enfoui au creux de son coude, mais il connaissait son visage par coeur. Actuellement, il se rendait compte qu'il ne l'avait jamais aimé de la façon dont elle avait pu l'espérer. Il ne voulait pas qu'on la blesse, il ne voulait pas qu'elle pleure. Il ne désirait pas ses baisers ou son amour, mais avait eu désespérément besoin de ses étreintes et de sa tendresse. Auprès de Lexie, il avait existé pour d'autres raisons que servir de sac de frappe ou de d'objet de terreur. Elle avait cru en lui, elle avait cru en cette part de "bon" qui devait forcément se trouver quelque part.
Du bout des doigts, il écarta une des mèches de la jeune femme dont le dos se soulevait au rythme lent de sa respiration d'endormie avant de vivement s'écarter alors qu'elle se redressait. Un demi-sourire moqueur apparut sur ses lèvres en voyant la mine ensommeillée, les yeux perdus et la marque rougeâtre de la peau de son coude sur le front.
"Alors...on a été vilaine et on passe sa pénitence à dormir?"